Monsieur le Directeur Général du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique, Représentant Madame le Ministre,
Monsieur le Président de l’Université de Madagascar,
Madame la Doyenne de la Faculté de Droit,
Honorables et distingués invités en vos rangs et grades tout protocole observé,
Mes chers Filleuls,
Mesdames et Messieurs,
C’est avec un grand plaisir que je prends la parole, en cette solennelle circonstance, perpétuant une tradition bien établie consistant à marquer la sortie d’une promotion.
Je suis particulièrement sensible à l’honneur qui m’a été fait d’avoir été choisi, comme parrain de la cérémonie de remise des diplômes aux étudiants de la promotion « Mendrika » et « Fenitra ».
C’est, en effet, avec fierté, que j’ai pris connaissance de la décision des étudiants de ces 2 promotions, de porter leur choix sur ma modeste personne comme parrain, et que les responsables de la faculté de droit ont entériné. Aussi, soyez en tous remercié pour cette marque d’estime et de confiance.
Je considère comme un privilège, l’honneur qui m’est ainsi fait, et j’en mesure toute la portée. Je pense que ce choix reflète beaucoup plus, à travers l’institution que je représente, les actuelles préoccupations de notre pays, ainsi que la volonté des promus à s’engager dans la lutte contre la corruption.
Aussi, permettez moi de profiter de cette occasion, en tant que premier responsable de la Lutte Contre la Corruption à Madagascar, d’attirer l’attention de cette auguste assistance, et surtout de ces jeunes promus, sur les défis auxquels ils seront bientôt confrontés pour l’avenir de notre pays.
Selon le dernier rapport de la Banque Mondiale, publié en mars de cette année, Madagascar demeure l’un des pays les plus pauvres du monde (pour ne pas dire le plus pauvre), et les indicateurs du bien-être de sa population ne se sont guère améliorés au cours des dernières années. Ce rapport intitulé « Variations de fortune et persistance de la pauvreté à Madagascar », souligne qu’en dépit de sa biodiversité unique et de ses abondantes ressources minières, hydriques et main d’œuvre, Madagascar compte parmi les rares pays, dont le PIB réel par habitant était inférieur, en 2010 à son niveau de 1960, alors que seuls deux pays qui ont subi des périodes de guerre civile (RDC, Libéria) ont connu un plus fort déclin. Une situation économique qualifiée par les théoriciens du développement de « paradoxe ou énigme malgache ».
L’analyse de la trajectoire de la lutte contre la corruption, depuis la ratification par Madagascar de la Convention des Nations Unies contre la corruption, et celle de l’Union Africaine en 2004, a également permis de retrouver cette emblématique situation de « paradoxe et énigme malgache ».
Paradoxe, en ce que Madagascar figure parmi les pays d’Afrique qui dispose le plus de structures et des instruments juridiques à même de combattre la corruption, mais Madagascar reste parmi les pays les plus corrompus en Afrique, alors que des pays qui ont moins d’instruments juridiques, comme le Comores nous a dépassé si on se réfère à l’IPC publié par le TI pour 2017.
L’année dernière, Madagascar se place au 155ème rang sur 180 des pays les plus corrompus au monde. Ici, la pratique du « mametraha kely » ou du « paiement d’écolage », façon pudique de motiver un fonctionnaire pour qu’il fasse son travail, ou qu’il vous fiche la paix, même si vous n’êtes coupable de rien, est endémique. Sa banalisation et sa généralisation dans tous les secteurs de la vie courante, peuvent faire croire que la corruption est un phénomène de société, et qu’elle est inévitable ; il n’en demeure pas moins que ce fléau, cette « culture de vie » est non seulement un délit, mais constitue un lourd frein au développement du pays.
Au regard de ces constats, un esprit averti se pose alors la question de savoir si c’est la corruption qui a appauvrit le pays, ou au contraire, si c’est la pauvreté qui a favorisé la corruption ? Mais ce dont on est sûr, c’est que le pays ne pourra sortir de la pauvreté que si l’on ne combat pas efficacement la corruption.
Je me permets de vous rapporter, les études récentes qu’on a effectué dans le cadre de lutte contre les trafics de nos ressources naturelles. Si les documents officiels de nos exportations de saphir font état de 2 tonnes par an, les statistiques miroirs des saphirs en provenance de Madagascar sur le marché mondial révèlent plus de 20 tonnes par an. De surcroît, sur les 2 tonnes exportées officiellement, certains opérateurs déclarent seulement à 1000 ariary le gramme du saphir. Et le pire, c’est que ces 18 tonnes ont été exportées clandestinement avec des vrais-faux documents.
Comme vous pouvez le constater, Mesdames et Messieurs, on ne peut espérer un développement économique tant qu’on n’a pas combattu la corruption. Or, le plus grand défi de la Lutte Contre la Corruption à Madagascar se présente à ce jour, être, le manque de volonté politique du gouvernant, qui prône la bonne gouvernance et l’Etat de droit, mais qui ne se traduit pas par des actions déterminantes de réforme et de lutte contre l’impunité.
Le manque de « volonté politique », empêche les programmes de lutte contre la corruption de porter leurs fruits. Si effectivement, Madagascar a pu bénéficier d’un cadre juridique assez étoffé pour la mise en œuvre de la stratégie, encore faut-il que le pouvoir s’engage effectivement dans la Lutte Contre la Corruption, et que tous les acteurs de la vie publique aient aussi la même détermination ; ce qui ne semble pas encore le cas.
Face à l’extrême pauvreté de la population, il n’est plus le temps de se voiler la face. Il faut appeler un chat, un chat.
Comment traduire la volonté politique de la puissance publique, lorsque l’agence anti-corruption est taxée d’opposant alors qu’elle ne fait que sa mission en traquant les auteurs de détournements de deniers publics et autres abus d’autorité, qui ne sont imputables dans la majorité des cas, qu’aux responsables étatiques détenteur du pouvoir politique. N’est-ce pas là un moyen détourné de l’empêcher de faire sa mission ? Comment interpréter la volonté politique d’un responsable, qui est réticent à des actions visant à lutter contre la corruption dans son département, ou même, qui s’oppose à des actes d’enquête censés assainir la gestion des affaires publiques dans l’un de ses services ? Comment peut-on encore penser que des responsables d’un concours administratif (qui sont des hauts commis de l’Etat) ne puissent pas organiser un concours transparent et crédible sans l’aide de l’agence anti-corruption, qui en définitive, surveille les jurys et non plus les candidats durant tout le processus ? Comment peut-on comprendre que le premier responsable d’un département ministériel estime juste le système de quota (politique, clanique, ethnique, voire familial…) dans le cadre d’un processus de recrutement en violation du principe constitutionnel d’égalité de tous les citoyens ? Comment peut-on imaginer dans un Etat qui proclame de lutter contre la corruption, qu’un fraudeur notoire puisse encore continuer ses magouilles dans les administrations publiques, grâce à la protection de hauts dirigeants ? Comment peut-on encore penser qu’une personne ayant pris part dans des faits constitutifs d’infraction à la loi pénale, puisse encore être nommé à un poste de haute responsabilité ?
Autant de questionnements qui interpellent au plus haut point, non seulement le pouvoir central, mais également toutes les autorités étatiques au niveau de leurs responsabilités respectives. Bien que tous les dispositifs législatifs et règlementaires soient mis en place pour garantir la réussite du programme national de la Lutte Contre la Corruption, si chaque citoyen, et notamment chaque responsable public, ne font pas preuve d’une ferme volonté de changer de mentalité, et de combattre la corruption, on ne peut pas espérer de résultats concrets dans les années à venir. Bref, la Lutte Contre la Corruption n’est pas du seul apanage du BIANCO, elle est le devoir de tous les citoyens et de tous les responsables publics.
Chers jeunes promus, tels sont les défis que le pays entend que vous releviez.
Vous avez la capacité de transformer ce pays, et d’influer de manière positive sur les efforts à venir pour lutter contre la corruption. Vous représentez les nouvelles générations de dirigeants politiques, de chefs d’entreprise et d’acteurs de la société civile, qui auront en charge d’apporter une nouvelle culture d’intégrité à tous les niveaux de la société.
Chers filleuls, permettez-moi maintenant de m’adresser particulièrement à vous.
Il y a, dans la vie de chacun de nous, des jours qui revêtent une coloration si particulière, qu’ils restent à jamais gravés dans nos mémoires. Ce vendredi 15 juin 2018 sera vraisemblablement de ceux-là, pour vous chers filleuls, et ce, pour une double raison.
D’abord, parce vous venez de recevoir les diplômes sanctionnant quatre et cinq ans d’une formation juridique, dont il m’est revenu dans l’esprit, ayant été un ancien de cette faculté, qu’elle a été à la fois riche, dense, et nécessitant des étudiants un travail assidu, un sens de discipline rigoureux, et beaucoup de sacrifices.
Ensuite, parce que cette journée marque le début de votre entrée dans la vie professionnelle, où vous serez désormais autrement considérés par votre entourage.
Aussi, comprendrez-vous mon plaisir et mon honneur de vous adresser mes chaleureuses félicitations pour votre succès de plusieurs années de labeur, de persévérance avec le soutien inconditionnel de vos parents à qui vous devez beaucoup, sinon tout, et que je tiens aussi à féliciter au passage.
Si ce moment de joie est intense, il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit que d’une étape dans la vie. Le diplôme est certes important, toutefois il ne s’agit que d’un outil mais le plus important est ce que l’on secrète avec l’outil. Vous allez quitter la vie de l’université, pour aller affronter l’université de la vie. Celle-ci est fortement semée d’embûches surtout au regard du contexte emblématique de notre pays, et d’un monde débridé, comme le souligne si bien le philosophe français Regis DEBRAY, où « L’échelle des revenus est devenue l’échelle des valeurs ».
Chers filleuls,
Je me suis demandé, en préparant cette intervention, quels messages ou conseils j’avais le plus envie de vous donner, quelle expérience j’avais envie de vous transmettre à la lumière de mon propre parcours professionnel et personnel.
Un de nos proverbes dit « qu’on ne donne des conseils qu’au sage », aussi, permettez-moi, de vous transmettre deux grands messages.
Le premier message dont j’ai envie de vous parler est celui des conditions de la réussite.
Pour réussir dans toutes vos entreprises, ayez le sens de l’action et de son utilité, car les connaissances et les expériences personnelles et professionnelles acquises, n’auront de sens que si elles vous permettent d’agir, de créer, de développer des projets concrets utiles à la société.
Ensuite, ayez de l’ambition sur des visions et projets à l’échelle des problèmes ou des questions qu’elles visent à traiter et des transformations qu’elles visent à conduire : ni trop grandioses, car ils seront inutilement complexes et coûteux, et échoueront, ni trop étriqués, car ils ne susciteront pas la part de rêve indispensable à tout projet, et ne mobiliseront pas.
Et enfin, pour réussir, il faut l’engagement, car les plus beaux et grands projets, les plus séduisantes stratégies ne sont rien, ou restent de pâles réalisations, sans l’engagement de ceux qui les portent. Vos projets, qu’ils soient personnels ou professionnels, ne transformeront votre vie ou votre secteur d’activité, que si vous vous y engagez personnellement, que si vous y injectez toute votre énergie, et que si vous défendez vos convictions.
Le second message que je voudrais aborder avec vous, chers filleuls, se rapporte aux qualités personnelles et aux valeurs, qui feront de vous des acteurs responsables et efficaces.
Dans votre vie de tous les jours, vous devez cultiver certaines valeurs qui constituent des vertus cardinales qui fondent et valorisent notre société.
Il vous faut, ainsi faire preuve de : discipline, de ponctualité, de rigueur, d’intégrité, mais aussi et surtout d’humilité.
Humilité, oui, car, les hommes et les femmes de valeur sont ceux qui cultivent la modestie : l’humilité est, en effet, la preuve d’une grande force de caractère.
Chers filleuls, quel que soit votre secteur d’activités, ayez l’esprit d’entreprise ! “Travaillez ! travaillez ! travaillez !”, car le monde appartient aux vaillants !
Agissez donc, parlez peu, agissez plus, car si les parleurs sèment, ce sont les silencieux qui récoltent.
Vous êtes encore dans la force de l’âge, alors :
Ayez de l’audace, du courage et de l’imagination, et vous réussirez !
Sachez qu’en vous sentant victime, vous perdez confiance en vous !
Sachez aussi qu’un problème est une opportunité, parce qu’il vous incite à grandir !
Sachez également, qu’il n’y a pas de personne sans force, il n’y a que des personnes qui ne s’en servent pas !
Sachez surtout que vous pouvez beaucoup plus que ce que vous croyez !
Chers filleuls, où que vous soyez pour servir ce pays, sachez dire NON à toute forme d’injustice et à toutes formes d’agissement au détriment de l’intérêt de notre pays. Osez interpeller les dirigeants malhonnêtes, et qui abusent de leur qualité. Agissez pour changer les choses, mais rappeler vous que ceux qui profitent de la corruption n’aspirent pas au changement et vont tout faire pour vous rendre la tâche plus difficile. Armez vous donc de courage, car le courage est la plus belle manière de prouver que vous aimez votre pays. Mais avec le courage et la témérité, la qualité première qu’il faut avoir aussi est « l’intégrité ». Car pour pouvoir dire NON, il faut qu’on soit irréprochable. Comme l’affirmait la Bible dans les Evangiles de Mathieu 7:4 « Comment peux-tu dire à ton frère : laisse-moi ôter une paille de ton œil, toi qui as une poutre dans le tien ? ».
Alors, Chers filleuls, accomplissez votre mission au service de notre pays et de l’humanité ! Ainsi, partout et quel que soit votre niveau de responsabilité, vous devez servir, loyalement et honnêtement.
Mes très chers filleuls, ces modestes propos de votre parrain ne suffisent certainement pas à vous armer efficacement pour affronter la dure et complexe réalité de la vie.
Je suis fort heureusement rassuré que les enseignements de qualité, que vous avez reçus dans cette faculté de droit, vous aideront à relever ce défi, pour le bien de notre pays.
N’oubliez jamais, quel que soit votre niveau de responsabilité, et votre secteur d’activité, que notre nation a besoin de vous.
Je vous souhaite de susciter autour de vous, confiance, hauteur de vue, et enthousiasme.
Je conclurai avec cette parole d’Albert Einstein : « N’essayez pas de devenir un homme (ou une femme) qui a du succès. Essayez de devenir un homme ou une femme qui a de la valeur ».
Pour clore mes propos, je ne saurai ne pas remercier les distingués invités dont la présence nous va droit au cœur, et qui a grandement rehaussé cette cérémonie. Mes remerciements vont tout particulièrement à Monsieur le Directeur Général de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, représentant Madame le Ministre, qui par sa présence, a rehaussé l’éclat de la cérémonie.
Chers filleuls,
Veuillez trouver ici, renouvelé, le témoignage de mes sincères remerciements pour votre délicate attention et pour votre geste d’estime qui m’honore grandement.
Que Dieu vous aide à persévérer dans la voie de la droiture, du beau et du bien !
Bonne chance et que tous vos espoirs soient comblés !
Honorable assistance, Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie de votre aimable attention !
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